Comment fait-on aujourd’hui pour tenter d’ouvrir son entourage à la poésie? Souvent, c’est en passant par les chansons à textes. Le projet Douze Hommes Rapaillés, c’est un projet qui prend ses racines dans la sortie du premier album d’une série maintenant portée à trois. C’est avec cet album et son successeur que j’essaie, de temps en temps, de faire entrer la poésie dans la vie des gens autour de moi. La qualité musicale de ces deux productions étant sans aucun doute irréprochable, les mélomanes en sont donc déjà conquis d’avance. La Symphonie Rapaillée, c’est tout simplement la suite logique aux deux premiers opus. Gilles Bélanger, Martin Léon, Louis-Jean Cormier et les autres Hommes Rapaillés qui avaient su avec brio nous ouvrir les portes de la poésie de Gaston Miron réussissent cette fois avec l’aide de Blair Thomson, compositeur torontois qui avait entre autres déjà auparavant revisité avec l’Orchestre Symphonique de Montréal certaines chansons de Michel Rivard (qui interprètre sur cet album la langoureuse pièce Oh! Secourez-moi), à nous permettre d’approfondir cette fois la musique classique. Comme premier vers, ils ont choisi de répéter à l’unisson « Je t’écris pour te dire que je t’aime ». C’est donc sur la profonde sensibilité de Miron qu’on plonge à nouveau bien à l’aise dans l’univers lyrique de ce poète intemporel.
Ce qui surprend tout d’abord avec La Symphonie Rapaillée, ce sont les arrangements classiques peu conventionnels de Blair Thomson puisque les textes, quant à eux, sont repris des deux albums précédents. En effet, c’est avec audace que l’équipe derrière la réalisation de ce disque a choisi de fonctionner différemment en ce qui attrait aux arrangements classiques sur un album de musique populaire. La formule classique se veut bien simple : on applique un orchestre symphonique aux enregistrements d’origine. Cette fois, on remarque très rapidement qu’on a à faire à des compositions musicales originales. Des musiques premières, on a conservé que les mélodies vocales, et encore. On constate aussitôt qu’Au long de tes hanches chantée par Louis-Jean Cormier lance le bal que les voix ont elles aussi été réenregistrées pour se marier à la perfection à des arrangements classiques à la fois grandioses et épurés, il en va de même pour toutes les autres pièces.
Rien n’est laissé au hasard sur cet album où Thomson a de toute évidence choisi de laisser de l’espace aux textes en optant pour un orchestre symphonique réduit qui nous apporte des musiques venant envelopper les mots de Miron plutôt que de les accompagner. Autrement dit, avec ce nouvel apport musical, on apprend un peu plus à connaître la personnalité du poète, mais on comprend par-dessus toute la grande sensibilité des poèmes eux-mêmes. La dominante instrumentale de l’album est laissée aux cordes, mais on remarque aussi l’utilisation des bois ou encore du xylophone de bois qui viennent nous remettre à l’oreille l’aspect extrêmement organique des 12 poèmes choisis pour cette troisième sortie.
Avec brio les Hommes Rapaillés nous reviennentdonc avec un album très rafraichissant. Cependant, Blair Thomson est arrivé, avec des chansons déjà existantes, à ne pas venir effacer ce qui avait déjà été fait, c’est pourquoi je me plais toujours à redécouvrir les deux premiers opus avec un œil très différent, ceux-ci se voulant à mon avis un peu plus tourmentés. C’est d’ailleurs là qu’on comprend que le poème a cette magnifique qualité de transporter en lui tout un univers d’émotions.
Merci aux Hommes rapaillés, merci à l’Homme rapaillé.
Qui me font chaque jour
Revenir un peu plus toujours
D’en dehors du monde.
LE PARLEUR